L’entreprise idéologique d’unification linguistique

L’entreprise idéologique d’unification linguistique

            La langue a été et est toujours un enjeu identitaire individuel, social et culturel en plus d’être un enjeu politique.

            Le projet est d’instaurer le français comme une langue pure et supérieure, véhiculant les valeurs les plus haute de la République qui servira de base à la construction d’une identité idéal, française, républicaine. Cependant, « le prix de l’identité, c’est l’annulation des différences et la conformité à l’ordre social dominant. » (Sfez,1978) ; C’est le glissement d’une nation en état-nation, comme le dit Édouard Glissant qui va alors « s’exprimer par des symboles, les fameuses valeurs, auxquelles une dimension d’universel est attribuée, associée à certain type d’identité qu’il faut revêtir et brandir. Dans la construction de cette identité, il faut « faire le compte de ce qui est à soi, le distinguer de ce qui tient de l’autre, qu’on érige alors en menace illisible, empreinte de barbarie » (Glissant).

Pour arriver à cela il a été nécessaire qu’un processus de séparation, qu’un clivage soit réalisé entre deux termes constitutifs d’une même réalité sociale afin d’établir un « nous » et un « eux », où le « nous » va imposer sa façon d’être comme modèle de référence.

Ce socle différenciateur s’est formé par un processus de « Refoulement culturel » qui conduit à effacer une réalité existante : les cultures traditionnelles, régionales, et à la remplacer par ce qui doit exister : une certaine forme de culture portée par le français.

Pour Philippe Martel, l’enjeu en imposant le français et en le diffusant, est de garantir l’hégémonie culturelle et idéologique de gens socialement cultivés par rapport à ceux qui ne « savent pas et leurs jargons risibles, l’absence de savoir renvoyant bien sûr ici à l’absence d’avoir et à l’absence de pouvoir, le tout étroitement et harmonieusement lié. » (Martel, 2007)

Le mécanisme global en jeu pour aboutir au monolinguisme, les 4 « R », est le suivant : Répression, Refoulement culturel, Régulation – Remplacement. La répression réprime l’usage de la langue, le refoulement l’efface et la rend activement absente, la régulation régule son apparition et fait de la langue seconde la norme.   

Le refoulement culturel amène à un conflit caché car les deux langues n’ont pas le même statut. « Revendiquer la dignité linguistique de l’occitan, c’est remettre en cause l’institution même du français, c’est créer le conflit. Le conflit est toujours éminent mais jamais présent » (Sauzet). Il soutient que l’occitan a, dès l’origine, une position de double du français et cette position de double rend inévitable le rapport d’exclusion. « On ne peut revendiquer l’occitan sans remettre en cause le français. » (Sauzet).

L’issue du latin en France fut double : le français et l’occitan. Deux langues qui se partagèrent le même territoire. « Il a fallu par la suite éliminer très tôt ce jumeau prétendant, porte-bannière des langues rivales. L’occitan, c’est un peu le maque de fer. (Cerquilglini)

Pour lui, il s’agit pour l’occitan d’une position de double « sacrifié » dont le sort est déjà réglé. « Penser l’occitan comme langue est problématique par ce qu’en un sens, il est pensé comme tel et aussitôt effacé de la langue française ». (Sauzet).

« Instituer le français, c’est la même opération que minorer l’occitan. On ne peut revenir sur une opération sans revenir sur l’autre… Dès qu’une pensé de l’occitan comme langue est avancée, la figure du double l’absorbe et l’invalide. (Sauzet).