Accent, rythme et affect
- La langue maternelle s’apprend dans la petite l’enfance, elle organise la place de l’affect par le rythme du langage, sa prosodie, les intonations de la voix maternelle, ses variations, son accent.
- L’affect est une relation à l’autre qui passe par la langue maternelle[1] (ainsi les injures, les exclamations utilisent les mots de la langue maternelle), sans compter que chaque affect a un rythme propre.
- Le rythme pour le paysan occitan est pris dans un terroir que la langue exprime. La langue traduit la réalité de la campagne et du labeur quotidien. À l’origine, elle exprime une réalité concrète que l’on retrouve dans la richesse du vocabulaire : selon son âge, il y aura plusieurs mots pour désigner un agneau, à la naissance, à un mois ou à un an…
- C’est la terre maternelle qui se reflète dans la langue maternelle ainsi que la temporalité des saisons.
- La répression de l’accent, en agissant sur le rythme, neutralise la dimension affective de la langue qui devient neutre, une langue conforme à un standard, à une langue légitimée estampillée comme moderne et porteuse de promesses d’ascension sociale. L’accent devient alors un stigmate de la langue d’origine et d’une infériorité sociale.
Le rythme sonore que l’accent crée, a fait l’objet de moqueries et a servi de caricature de « l’homme du terroir ».
- Cela a contribué à modifier les sons originels car le passage de la langue d’origine au français s’accompagne de l’utilisation d’autres muscles entrant en jeu dans la phonation, le corps réel doit se transformer, s’adapter en modifiant le rythme musculaire tension / détente nécessaire à un autre système phonique. Par exemple, En occitan, il n’y a pas de possibilité de faire des « O » fermés comme en français et il n’existe pas de voyelle muette.
- Tout comme le rêve, l’imaginaire est porté aussi par un rythme. Avec l’accent, la langue maternelle véhicule tout un imaginaire local et régional s’enracinant dans la terre d’origine.
Texte de Pierre Boquel : Accent, identité et pathologie
[1] Les affects s’apprennent dans l’enfance avec la langue maternelle.